Histoire et contexte de la théorie mathématique de la viabilité
1. Origines de la théorie
La théorie mathématique de la viabilité a été initiée dans les années 1980 par le mathématicien français Jean-Pierre Aubin. Elle est née d’un besoin fondamental : comprendre et formaliser la capacité d’un système dynamique à respecter des contraintes dans le temps, sans chercher nécessairement à optimiser un objectif.
Contrairement aux approches classiques de l’optimisation, qui visent un résultat précis, la viabilité s'intéresse à la pérennité du système, à sa capacité à survivre dans un environnement contraint et souvent incertain.
2. Contexte scientifique et philosophique
À la fin du XXe siècle, les défis scientifiques évoluent : modéliser la durabilité, gérer les ressources naturelles, préserver la biodiversité, stabiliser les écosystèmes… Autant de problématiques qui dépassent le cadre de l’optimisation pure et nécessitent des outils pour garantir la compatibilité entre trajectoires et contraintes.
La théorie de la viabilité s’inscrit dans cette dynamique. Elle s’inspire de plusieurs domaines :
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Analyse mathématique (inclusions différentielles, géométrie convexe),
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Théorie du contrôle,
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Biologie et écologie mathématique,
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Économie durable et sociale.
Elle propose une nouvelle manière de penser : plutôt que de chercher la meilleure solution, chercher les solutions viables.
3. Formalisation et premiers travaux
Les premiers travaux de Jean-Pierre Aubin définissent les concepts fondamentaux :
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Ensemble viable : ensemble d’états à partir desquels il existe au moins une trajectoire respectant les contraintes pour tout instant futur.
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Inclusion différentielle : outil mathématique utilisé pour modéliser les dynamiques complexes à plusieurs vitesses ou choix.
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Bassin de capture : ensemble des états initiaux pouvant atteindre une cible tout en restant viables.
Ces idées ont été formalisées dans son ouvrage majeur, Viability Theory, publié en 1991, qui constitue encore aujourd’hui une référence dans le domaine.
4. Développements contemporains
Depuis sa création, la théorie de la viabilité s’est étendue à de nombreux domaines :
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Robotique et systèmes autonomes : garantir la sécurité d’un robot dans un environnement changeant.
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Économie et gestion des ressources : équilibrer production et préservation.
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Modèles de résilience : comprendre la capacité d’un système à faire face aux perturbations.
Elle est également à l’origine de projets interdisciplinaires portés par le CNRS ou l’Union Européenne, et d’outils comme ViabLab, un laboratoire virtuel dédié à l’expérimentation de modèles viables.
5. Enjeux actuels et pertinence
Aujourd’hui, la théorie mathématique de la viabilité prend tout son sens dans un monde confronté à des limites planétaires : réchauffement climatique, crises sociales, incertitudes technologiques.
Elle fournit un cadre rigoureux pour raisonner sur la durabilité des trajectoires humaines, économiques, écologiques et technologiques. Son approche est particulièrement adaptée aux systèmes :
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Complexes,
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Interdépendants,
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Contraints par des règles de fonctionnement,
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En évolution dans un environnement incertain.
À retenir
La théorie de la viabilité ne cherche pas à maximiser un objectif, mais à garantir la survie d’un système dans un cadre défini. C’est une science de la possibilité durable, qui trouve aujourd’hui des applications concrètes face aux grands défis du XXIe siècle.